J'ai eu l'honneur de remettre et de commenter ce qui
suit à la
Commission des Pétitions |
Pour que le Festival de la
Cité revive... à la Cité !
Lorsqu'il fut définitivement acquis que le Festival de la Cité ne présenterait aucun spectacle à la Cité, des citoyens indignés fondèrent l'association "Culture et Cité", soutenue par celle des "Amis de la Cité". L'organisation d'un festival parallèle, à la Cité cette fois, fut décidée: le Festival In-Cité. La difficulté fut alors de mettre sur pieds des spectacles de qualité en seulement quelques semaines et sans aucun budget.
On peut en lire ici la chronologie, jour après jour, et en voir le programme, les commentaires et le communiqué de presse final sur le blog/site web de l'association www.incitelausanne.ch/.
Durant 3 soirs, du 6 au 8 juillet 2016, La Cité a revécu au rythme de son festival traditionnel, une centaines d'artistes de tous styles y présentèrent des spectacles joyeux et éclectiques. Sans publicité et sans annonces médiatiques, le public fut au rendez-vous et pris du plaisir à passer d'une scène à une autre dans le calme et la bonne humeur.
La conclusion est évidente: deux festivals peuvent coexister simultanément à Lausanne et ne se gênent pas. Leurs publics respectifs font le choix d'aller à l'un ou à l'autre et certains même un peu aux deux. Cette façon de faire offre ainsi à chaque type de public ce qu'il vient chercher au Festival de la Cité.
Puisque ces deux festivals sont simultanés, il serait bien-sûr souhaitable d'avoir une organisation unique mais ce n'est pas impératif. C'est à la Direction du Festival de la Cité de savoir s'il accepte de prendre en compte les revendications et propositions des pétitionnaires et des associations. Dans tous les cas, ceux qui ont œuvré au succès d'In-Cité sont à disposition pour imaginer et réaliser toute forme de collaboration qui irait dans le sens de satisfaire tous les courants culturels des Lausannois.
Des nombreuse discussions et prises de positions publiques, il ressort ce qui suit:
Primo: le lieu
Selon la Direction du Festival de la Cité, son retour à la Cité est acquis pour l'an prochain. Encore faut-il qu'il ne ressemble pas à celui de 2016 car le quartier de la Cité est trop exigu pour supporter la coexistence de concerts bruyants et de spectacles intimistes. Leurs spectateurs sont d'ailleurs dissemblables, allant des "joyeux fêtards" aux "cultureux" purs et durs. En fin ce compte, il serait souhaitable de diriger les premiers vers la Sallaz, la Riponne et Ouchy et réserver la Cité aux seconds. Tous les genres de publics seraient ainsi satisfaits, tout en n'excluant pas les passages de l'un à l'autre. Pour faciliter cette osmose, on pourrait imaginer centrer la culture à la Cité et laisser la Sallaz et Ouchy aux spectacles plus populeux et festifs, la Riponne étant à mi-chemin entre les deux.
La critique a été quasi-unanime en 2016: le passage d'une scène à une autre via le M2 faisait perdre trop de temps et "cassait l'ambiance". Sans même parler du coût des transports, dans les 50 fr de tickets de métro en moyenne pour une famille de 2 adultes et 2 enfants.
Une chose est sûre: il ne faut pas de grandes bastringues à la Cité, elle est trop exigüe pour cela. Gardons-la pour des spectacles intimistes auxquels on peut assister sans devoir rester debout-serrés! De ces festivals-là ils y en a déjà des tas un peu partout.
Secundo: les artistes
Il serait souhaitable que la culture locale soit un peu mieux représentée. En 2016 le rapport entre les artistes étrangers et locaux se situait aux alentours de 80/20%. Le Festival de la Cité est avant tout local et n'a pas à avoir l'ambition d'imiter Paléo ou Montreux, ce n'est pas sa vocation. Il doit avant tout offrir la possibilité aux artistes de chez nous de montrer l'étendue de leur talent à leur public naturel.
En ce sens, je peux affirmer que les buts d'In-Cité ont été parfaitement réalisés. Le public est venu et a pris du plaisir à ce que nous lui présentions. La Cité a revécu telle qu'elle était il y a quelques années. Nous avons prouvé qu'avec de la bonne-volonté comme unique budget, il était possible de faire revivre la Cité et d'y présenter du jazz et des artistes locaux. Il faut d'ailleurs donner un grand coup de chapeau à ces derniers, qui sont venus s'y produire gratuitement. Les chapeaux ont d'ailleurs bien circulé dans le public, qui y a gentiment mis de quoi défrayer les artistes.
Je précise que, pour moi, "artistes locaux" ne veut pas dire artistes avec passeports suisses, mais artistes qui vivent et travaillent dans le pays. C'est ce que nous avons eu à la Cité et c'est une vraie culture, riche de diversité et de qualité. Qu'on fasse venir des artistes d'exception d'ailleurs d'accord, il en faut et c'est bien, mais il faut tout de même que les artistes qui sortent de nos écoles puissent se produire! Et s'ils ne peuvent pas le faire ici, dans leur langue, devant leur propre public, où vont-ils pouvoir le faire? La qualité de nos musiciens est très élevée, elle reflète le haut niveau de nos écoles. Les spectacles qu'ils peuvent présenter ne sont pas de seconde zone, c'est de l'excellente qualité, de quoi surprendre et émerveiller les Lausannois.
Tertio: soutenir la culture suisse
Le Festival a aussi le devoir de soutenir la culture suisse et tout particulièrement l'usage de notre langue, le français, qui est de plus en plus minoritaire dans notre propre pays, certains cantons, dédain suprême, ne l'enseignant même plus à leurs élèves. Si nous voulons conserver la richesse de notre culture, héritée de nos ancêtres, qui est en fin de compte le reflet de notre identité, nous devons la montrer, cette culture. Et donc encourager l'expression du français dans nos spectacles subventionnés. Car quelle langue, autre que celle balbutiée dans son berceau, apprise à l'école et susurrée à l'oreille de sa douce, est de nature à exprimer l'infinie subtilité de ses sentiments?
Quarto: le jazz
Et pour terminer, le Festival de la Cité se doit d'être éclectique et présenter toute la palette des arts pratiqués chez nous. Car si un festival local subventionné à 100% refuse de présenter une forme d'art, qui va le faire? En tout cas pas les festivals payants, dont les revenus dépendent de la popularité des artistes engagés!
Le jazz fait partie des arts que le festival a refusé de mettre à son programme ces dernières années, Dieu sait pourquoi. Et pourtant, le jazz est intemporel, il est à la base de toutes les musiques actuelles, il a un public fidèle et passionné et des dizaines de jeunes musiciens talentueux sortent chaque année des nos écoles de musique. Le jazz, ce n'est pas seulement du New Orleans comme le pensent ceux qui ne le connaissent pas, mais de la musique composée et pratiquée chez nous par des centaines d'artistes talentueux qui valent la peine d'être découverts. Car c'est ainsi que nous leur ouvrirons le chemin menant à la notoriété internationale, faisant ainsi rayonner la culture suisse loin à la ronde.
Michel Vonlanthen
Rédacteur en chef et
photographe de Jazzphone.ch |
PS: Complément
Pendant la séance, une commissaire m'a posé la
question "Le festival Onze+ existe bien toujours?"
Je n'y ai pas pensé sur le moment, mais cette question état probablement destinée à me faire remarquer que la ville de Lausanne donnait déjà de l'argent au jazz sous forme de subvention au festival Jazzonze+...
Je peux encore préciser que ma "croisade" pour
la défense du jazz et de la culture locale est suscitée par la
méconnaissance du jazz qu'a le public en général. Bien souvent,
lorsque j'aborde ce sujet avec quelqu'un, il me répond "Oui, moi
aussi j'aime bien la musique de Louis Amstrong", comme si le jazz
ne se résumait qu'à ce style de jazz-là. Alors qu'en fait il est
infiniment plus riche puisqu'il va du blues et du ragtime les plus
anciens, au jazz le plus actuel composé et joué par nos jeunes
musiciens, en passant par le New Orleans, la fusion de Miles Davis et
des dizaines d'autres styles de jazz tous plus passionnants les uns
que les autres. C'est cet éclectisme là que j'aimerais faire connaître
au grand public. J'aimerais l'encourager à venir écouter du jazz, la
musique la plus intemporelle qui soit. En complicité avec Nietsche,
qui écrivait "la vie sans musique serait une erreur" !... |