J'ai eu l'honneur de remettre et de commenter ce qui suit à la Commission des Pétitions
du Conseil Communal de Lausanne le 5 juillet 2016 à 16h35 à la Palud. La séance était présidée par Xavier de Haller, président ad-intérim. Elle s'est déroulée en présence de Grégoire Junod, Syndic de Lausanne et responsable de la culture de la ville, ainsi que de la quasi-totalité des membres de la commission.

 

 

 

Pour que le Festival de la Cité revive... à la Cité !
Cette pétition a été lancée par Julien Sansonnens et a récolté 1912 signatures en quelques jours.

 

Lorsqu'il fut définitivement acquis que le Festival de la Cité ne présenterait aucun spectacle à la Cité, des citoyens indignés fondèrent l'association "Culture et Cité", soutenue par celle des "Amis de la Cité". L'organisation d'un festival parallèle, à la Cité cette fois, fut décidée: le Festival In-Cité. La difficulté fut alors de mettre sur pieds  des spectacles de qualité en seulement quelques semaines et sans aucun budget.

 

On peut en lire ici la chronologie, jour après jour, et en voir le programme, les commentaires et le communiqué de presse final sur le blog/site web de l'association www.incitelausanne.ch/.

 

Durant 3 soirs, du 6 au 8 juillet 2016, La Cité a revécu au rythme de son festival traditionnel, une centaines d'artistes de tous styles y présentèrent des spectacles joyeux et éclectiques. Sans publicité et sans annonces médiatiques, le public fut au rendez-vous et pris du plaisir à passer d'une scène à une autre dans le calme et la bonne humeur.

 

La conclusion est évidente: deux festivals peuvent coexister simultanément à Lausanne et ne se gênent pas. Leurs publics respectifs font le choix d'aller à l'un ou à l'autre et certains même un peu aux deux. Cette façon de faire offre ainsi à chaque type de public ce qu'il vient chercher au Festival de la Cité.

 

Puisque ces deux festivals sont simultanés, il serait bien-sûr souhaitable d'avoir une  organisation unique mais ce n'est pas impératif. C'est à la Direction du Festival de la Cité de savoir s'il accepte de prendre en compte les revendications et propositions des pétitionnaires et des associations. Dans tous les cas, ceux qui ont œuvré au succès d'In-Cité sont à disposition pour imaginer et réaliser toute forme de collaboration qui irait dans le sens de satisfaire tous les courants culturels des Lausannois.

 

Des nombreuse discussions et prises de positions publiques, il ressort ce qui suit:

 

 

Primo: le lieu

 

Selon la Direction  du Festival de la Cité, son retour à la Cité est acquis pour l'an prochain. Encore faut-il qu'il ne ressemble pas à celui de 2016 car le quartier de la Cité est trop exigu pour supporter la coexistence de concerts bruyants et de  spectacles intimistes. Leurs spectateurs sont d'ailleurs dissemblables, allant des  "joyeux fêtards" aux "cultureux" purs et durs. En fin ce compte, il serait souhaitable de diriger les premiers vers la Sallaz, la Riponne et Ouchy et réserver la Cité aux seconds. Tous les genres de publics seraient ainsi satisfaits, tout en n'excluant pas les passages de l'un à l'autre. Pour faciliter cette osmose, on pourrait imaginer centrer la culture à la Cité et laisser la Sallaz et Ouchy aux spectacles plus populeux et festifs, la Riponne étant à mi-chemin entre les deux.

 

La critique a été quasi-unanime en 2016: le passage d'une scène à une autre via le M2 faisait perdre trop de temps et "cassait l'ambiance". Sans même parler du coût des transports, dans les 50 fr de tickets de métro en moyenne pour une famille de 2 adultes et 2 enfants.

 

Une chose est sûre: il ne faut pas de grandes bastringues à la Cité, elle est trop exigüe pour cela. Gardons-la pour des spectacles intimistes auxquels on peut assister sans devoir rester debout-serrés! De ces festivals-là ils y en a déjà des tas un peu partout.

 

 

Secundo: les artistes

 

Il serait souhaitable que la culture locale soit un peu mieux représentée. En 2016 le rapport entre les artistes étrangers et locaux se situait aux alentours de 80/20%. Le Festival de la Cité est avant tout local et n'a pas à avoir l'ambition d'imiter Paléo ou Montreux, ce n'est pas sa vocation. Il doit avant tout offrir la possibilité aux artistes de chez nous de montrer l'étendue de leur talent à leur public naturel.

 

En ce sens, je peux affirmer que les buts d'In-Cité ont été parfaitement réalisés. Le public est venu et a pris du plaisir à ce que nous lui présentions. La Cité a revécu telle qu'elle était il y a quelques années. Nous avons prouvé qu'avec de la bonne-volonté comme unique budget, il était possible de faire revivre la Cité et d'y présenter du jazz et des artistes locaux. Il faut d'ailleurs donner un grand coup de chapeau à ces derniers, qui sont venus s'y produire gratuitement. Les chapeaux ont d'ailleurs bien circulé dans le public, qui y a gentiment mis de quoi défrayer les artistes.

 

Je précise que, pour moi, "artistes locaux" ne veut pas dire artistes avec passeports suisses, mais artistes qui vivent et travaillent dans le pays. C'est ce que nous avons eu à la Cité et c'est une vraie culture, riche de diversité et de qualité. Qu'on fasse venir des artistes d'exception d'ailleurs d'accord, il en faut et c'est bien, mais il faut tout de même que les artistes qui sortent de nos écoles puissent se produire! Et s'ils ne peuvent pas le faire ici, dans leur langue, devant leur propre public, où vont-ils pouvoir le faire? La qualité de nos musiciens est très élevée, elle reflète le haut niveau de nos écoles. Les spectacles qu'ils peuvent présenter ne sont pas de seconde zone, c'est de l'excellente qualité, de quoi surprendre et émerveiller les Lausannois.

 

 

Tertio: soutenir la culture suisse

 

Le Festival a aussi le devoir de soutenir la culture suisse et tout particulièrement l'usage de notre langue, le français, qui est de plus en plus minoritaire dans notre propre pays, certains cantons, dédain suprême, ne l'enseignant même plus à leurs élèves. Si nous voulons conserver la richesse de notre culture, héritée de nos ancêtres, qui est en fin de compte le reflet de notre identité, nous devons la montrer, cette culture. Et donc encourager l'expression du français dans nos spectacles subventionnés. Car quelle langue, autre que celle balbutiée dans son berceau, apprise à l'école et susurrée à l'oreille de sa douce, est de nature à exprimer l'infinie subtilité de ses sentiments?

 

 

Quarto: le jazz

 

Et pour terminer, le Festival de la Cité se doit d'être éclectique et présenter toute la palette des arts pratiqués chez nous. Car si un festival local subventionné à 100% refuse de présenter une forme d'art, qui va le faire? En tout cas pas les festivals  payants, dont les revenus dépendent de la popularité des artistes engagés!

 

Le jazz fait partie des arts que le festival a refusé de mettre à son programme ces dernières années, Dieu sait pourquoi. Et pourtant, le jazz est intemporel, il est à la base de toutes les musiques actuelles, il a un public fidèle et passionné et des dizaines de jeunes musiciens talentueux sortent chaque année des nos écoles de musique. Le jazz, ce n'est pas seulement du New Orleans comme le pensent ceux qui ne le connaissent pas, mais de la musique composée et pratiquée chez nous par des centaines d'artistes talentueux qui  valent la peine d'être découverts. Car c'est ainsi que nous leur ouvrirons le chemin menant à la notoriété internationale, faisant ainsi rayonner la culture suisse loin à la ronde.

 

Michel Vonlanthen

Rédacteur en chef et photographe de Jazzphone.ch
mvonlanthen@vtx.ch

 

 

PS: Complément

 

Pendant la séance, une commissaire m'a posé la question "Le festival Onze+ existe bien toujours?"

Je lui ai répondu: "Oui, mais c'est un festival de jazz, contrairement au festival de la Cité qui est, lui, est généraliste du point de vue culturel".

Faute de temps, je n'ai pas pu développer ce sujet, mais j'aurais aimé pouvoir lui préciser que le Festival de la Cité est offert gratuitement aux Lausannois et qu'il est bien d'y présenter tous les arts qui se pratiquent dans notre région. Cela permet de faire connaître des styles artistiques à des gens qui n'iraient normalement pas assister à ce genre de spectacle s'ils devaient en payer l'entrée. En ce sens, le Festival de la Cité est un "passeur d'arts" puisqu'il offre la possibilité de faire la connaissance d'arts peu connus de ses spectateurs.

 

Je n'y ai pas pensé sur le moment, mais cette question état probablement destinée à me faire remarquer que la ville de Lausanne donnait déjà de l'argent au jazz sous forme de subvention au festival Jazzonze+...

 

Je peux encore préciser que ma "croisade" pour la défense du jazz et de la culture locale est suscitée par la méconnaissance du jazz qu'a le public en général. Bien souvent, lorsque j'aborde ce sujet avec quelqu'un, il me répond "Oui, moi aussi j'aime bien la musique de Louis Amstrong", comme si le jazz ne se résumait qu'à ce style de jazz-là. Alors qu'en fait il est infiniment plus riche puisqu'il va du blues et du ragtime les plus anciens, au jazz le plus actuel composé et joué par nos jeunes musiciens, en passant par le New Orleans, la fusion de Miles Davis et des dizaines d'autres styles de jazz tous plus passionnants les uns que les autres. C'est cet éclectisme là que j'aimerais faire connaître au grand public. J'aimerais l'encourager à venir écouter du jazz, la musique la plus intemporelle qui soit. En complicité avec Nietsche, qui écrivait "la vie sans musique serait une erreur" !...

Ma fonction de rédacteur de Jazzphone me met en contact avec tous ceux qui désirent figurer dans son agenda du jazz suisse romand, qui résume tout ce qui se fait comme concerts de jazz (et de musiques soeurs) dans notre région. Je communique avec eux par mail et je vais souvent les photographier sur place. Cela me permet d'avoir une bonne vue de ce qui se fait chez nous en terme de jazz. Je peux affirmer que notre population compte des artistes exceptionnels qui composent et jouent de la musique magnifique. Beaucoup de jeunes musiciens sortent de nos écoles et ne demandent qu'à se produire devant leur public, là où ils étudient, là où ils débutent leur carrière. Il y a là une pépinière de talents à découvrir et à faire découvrir. De mon point de vue, ce doit être une des fonctions du Festival de la Cité.

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