(Texte publié dans "One More Time"
AGMJ de nov
2020-jan 2021)
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AU DEBUT
était le rock et dans les années
soixante, je jouais mes
3 accords de guitare dans un groupe. C'est avec le rock que j'ai
commencé à ruiner ma santé, mais c'est le jazz qui a failli avoir
ma peau. En 2008, au Cully Jazz, j'étais monté sur le bar du
Next Step en m'aidant d'un tonneau de bière pour être au plus près
d'une chanteuse qui s'y produisait. Lorsque j'ai voulu redescendre,
quelqu'un l'avait déplacé et je suis tombé. Ce n'est qu'une
demi-heure plus tard qu'une immense douleur m'a vrillé la tête et je
me suis retrouvé aux Urgences du CHUV, qui m'a trépané le crâne deux
semaines plus tard afin de résorber l'hémorragie cérébrale qui me
rendait dingue. Des séquelles? Deux trous dans le crâne et la
fâcheuse tendance à ne pas me souvenir des noms et des visages.
Mauvais pour un photographe! Que ceux qui me voient user de
subterfuges pour éviter d'avoir à prononcer leurs noms m'en
excusent, qu'ils s'adressent au Cully Jazz pour les réclamations!
LA MUSIQUE – LES PHOTOS
Mais revenons-en à la musique, qui a toujours occupé une
place de choix dans ma vie, pas seulement le jazz et le rock mais
aussi le classique. En fait, je ne pourrais tout simplement pas
vivre sans. Bizarrement, je n'ai jamais fait l'effort de l'apprendre
vraiment. J'ai tâté de la guitare, de la batterie et du saxophone
mais n'ai pas été bien loin. Je suis entré en photo-jazz aux
débuts du Festival
de Jazz de Montreux. Je me souviens du concert de Nina Simone, en
1970, dans l'ancien Casino, des petites tables rondes avec 3-4
spectateurs autour. Et le brave Claude Nobs qui s'égosillait sur
scène pour demander de ne pas prendre de photos au flash alors que
mon voisin de table se levait à tout moment pour en faire. Un vrai
floklore, mais c'était bon enfant, la musique était formidable et
moi je pouvais faire mes photos sans que l'on ne me demande rien.
Trente ans après je faisais mon
entrée au comité de Chorus, le club lausannois. J'y créai son
premier site web, que j'alimentais avec mes photos. C'était l'époque
des premières caméras numériques. Leur qualité était médiocre mais
s'est vite améliorée. J'étais auparavant passé par toutes les étapes
de l'argentique mais je ne reviendrais pas en arrière. Je dispose
maintenant de caméras Sony plein format que je peux rendre
totalement silencieuses, un rêve devenu réalité. Quels progrès
depuis mes débuts, qui m'ont vu prendre ma première photo,
développer le négatif et la tirer par contact dans la salle de bain
de mes parents, qui en a gardé des traces dans la baignoire! J'étais
parti de rien et avais appris en lisant des livres et en
expérimentant. Aujourd'hui, du point de vue technique, c'est l'âge
d'or de la photo mais je ne conseillerais à personne de s'y lancer à
titre de gagne-pain, sous cet aspect c'est la dèche!
METIERS ET PASSIONS
La passion et la curiosité m'ont accompagné durant toute ma
vie, ainsi qu'une certaine impatience à passer à la pratique.
Plutôt que de suivre de longs parcours académiques, mon tempérament
a choisi pour moi la voie autodidacte et une infinité de petits
cours ponctuels. Cours officiels avec diplômes à la clef (j'en ai
une cargaison) mais spécialisés. Cette technique d'apprentissage
reflète mon désir de ne pas perdre de temps avec des connaissances
inutiles. Elle m'a été bénéfique et j'ai toujours été reconnaissant
au ciel de m'avoir permis de gagner ma vie avec mes passions. La
photo est devenue un de ces moyens en dernière partie de ma carrière
professionnelle.
A rebours du bon sens, j'ai débuté par des métiers "sérieux",
d'abord dans l'électronique nucléaire, après de bonnes études, puis
dans le journalisme papier et radio, puis dans les
télécommunications et l'informatique, avec une escapade dans
l'humanitaire.
On le voit, mes deux grandes passions ont été, et sont toujours,
l'électronique et le journalisme, écrit, radio et visuel. Mais
c'est l'informatique, suite logique de l'électronique, qui a occupé
mes nuits le plus longtemps car j'ai eu la chance extraordinaire de
suivre tout son développement dès les années 60, l'époque des
calculatrices mécaniques Hewlett-Packard. Notamment sous l'égide du
Professeur Nicoud de l'EPFL, l'inventeur du Smaky, qui fut mon
maître à penser en microinformatique.
Je fis mes premiers pas en ce domaine comme je l'ai fait pour la
photo: en construisant mon premier ordinateur moi-même à partir de
rien. J'avais l'exemple de ce qui se faisait à l'EPFL mais je
voulais quelque chose de complètement différent afin d'être obligé
de faire un développement original qui m'obligerait à étudier cette
nouvelle technique dans ses moindres détails. Je l'ai encore cet
ordinateur équipé d'un microprocesseur Intel 8080, de 1kB de mémoire
vive et d'un programmateur de mémoire morte (EPROM). L'entrée des
données se faisait au moyen de switches, en code octal, et la sortie
au moyen de LED. Je pus ainsi concocter un petit operating system de
mon crû en langage machine qui me permit de raccorder un clavier et
un écran afin de programmer plus facilement. La première application
fut un système automatique de poursuite de satellites artificiels,
que j'exposai à "Computer 80" à Beaulieu Lausanne. Ce début "à la
dure" fut tellement bénéfique pour mes connaissances que je fus
ensuite capable de dépanner n'importe-quel ordinateur simplement à
l'aide de son schéma et d'un oscilloscope pour visualiser les
signaux électriques.
Le PC n'était pas encore inventé, c'était l'époque des mini
ordinateurs. Chaque constructeur avait ses propres schémas et ses
propres logiciels et aucun n'était compatible avec un autre. Je
travaillais pour un de ceux-ci et j'étais le roi. J'allais dans les
banques et les industries avec mon oscillo, ma serviette de schémas
et ma valise d'outils et de composants, et en repartais avec des
clients tout sourire car les heures d'immobilisation de leurs
systèmes leur coûtaient très cher. Cela me permit petit à petit
d'économiser et de me mettre à mon compte avec une exclusivité de
vente de coupleurs acoustiques, les premiers modems. J'avais dans
mon bureau le noeud du réseau Micronet, la première messagerie
électronique privée de Suisse romande développée sur la base d'un
Smaky par mes copains du Microclub Lausanne. La production de
logiciels suivit: comptabilité générale, facturation, salaires,
gestionnaire de ludothèque, etc. ainsi que la remise en état de
grosses machines déclarées irréparables. Il fallait alors leur
greffer un nouvel ordinateur, refaire les interfaces et une partie
du logiciel. Cela fit économiser des millions à quelques-uns de mes
clients.
L’ENSEIGNEMENT
En parallèle de tout cela, j'officiais comme prof d'électronique et
d'informatique. J'avais développé une méthode originale
d'apprentissage (sur un microordinateur de mon crû), mes cours
étaient toujours complets et mes élèves ne les séchaient pas. C'est
là que je me suis rendu compte que j'avais un certain don pour la
vulgarisation. Ce qui explique que je fus engagé par un journal
technique et recruté par une radio pour faire une émission
hebdomadaire sur l'informatique. En principe j'aurais dû terminer
journaliste RP mais je stoppai abruptement ma formation après un
refus de ma rédactrice en chef de publier un de mes articles. Elle
m'avait envoyé en reportage dans une grande entreprise vaudoise, qui
claironnait partout que son informatisation était un succès total et
dont j'avais tiré un article un peu plus objectif
qui ne fut pas du goût de
l'annonceur. Cela préfigurait ce qui arrive à la presse aujourd'hui
- on veut la museler - ce qui est très grave car c'est le seul
contre-pouvoir aux abus des puissants. Il n'y a qu'à voir ce que
l'on fait en ce moment au journaliste Julian Assenge (Wikileaks)
pour s'en persuader.
CHANGER D’ORIENTATION
J'avais une vie passionnante. Quelquefois je partais au bureau le
lundi matin et le soir-même j'étais en Finlande ou en Afrique du
Nord pour un dépannage urgent. J'étais marié et nous avions une
fille et un garçon. Et la catastrophe est arrivée: après avoir aidé
ma femme à lutter contre un cancer pendant huit ans, la maladie a
pris le dessus et je l'ai perdue! Par chance les enfants étaient
grands, mais pendant un an j'ai hésité à continuer de vivre. Et puis
l'envie m'en est lentement revenue. J'ai alors décidé de changer
totalement d'orientation et d'assouvir ma passion pour la photo, que
j'ai alors choisie comme gagne-pain. Et c'est ainsi que j'ai vécu
ces deux dernières décennies heureux et libre, à fréquenter tous les
endroits et festivals où il y avait du jazz.
C'était une période durant laquelle les photos se vendaient encore à
un prix qui pouvait permettre d'en vivre. Mais il fallait être bon
et sérieux côté business. Au fil du temps, je me suis rendu compte
que, pour moi, l'attrait de la photo n'était pas l'esthétique
mais le fait de figer un moment d'éternité. Avec les musiciens,
c'est donnant-donnant: ils m'autorisent à les photographier et en
contrepartie je leur fais des souvenirs et contribue à leur gloire.
Contrairement à moi, cela ne leur coûte rien. J'aurais beaucoup à
dire sur la difficulté actuelle de vivre du spectacle, surtout pour
les artistes eux-mêmes, car ces sujets de société me passionnent.
POUR TERMINER,
il faut encore que je vous parle
de JAZZPHONE tout-de-même, "jazz" comme jazz et "phone" comme
téléphone, la vitrine du jazz romand. La fonction principale de ce
site web est de concentrer la liste et les détails de tous les
concerts de jazz et de musiques soeurs qui vont se donner en Suisse
romande. Ces agendas mensuels restent ensuite en place si bien qu'un
musicien n'a qu'à le consulter pour savoir s'il a joué à tel
endroit, tel jour et avec qui, ces informations restent sur site ad
aeternam. Il y a aussi mes photos de concerts, plus de 100'000, des
extrait de disques et des photos d'autres évènements artistiques ou
sportifs.
Envoyez-moi vos annonces de concerts, ils seront gratuitement
insérés dans l'agenda du jazz romand (en moyenne 800-1000
visiteurs/jour)! Il me faut au minimum la date, le lieu, l'heure, le
nom du groupe, des musiciens et leurs instruments.
M'ennuyer durant la pandémie? Vous plaisantez! A défaut de
pouvoir fréquenter les salles de concert, je suis revenu à mes
premières amours, l'électronique, et j'ai construit un émetteur de
télévision numérique capable de transmettre des images à des
milliers de kilomètres grâce au relayage d'un satellite artificiel
lancé pour l'Eurofoot 2021. Ça paraît incroyable, mais des
radioamateurs bien introduits ont persuadé les Quataris de leur
laisser utiliser une petite partie de leur satellite afin d'y
expérimenter des techniques nouvelles et c'est ce dont je profite.
Cela dit, je suis l'homme le plus heureux du monde que les salles de
spectacle ré-ouvrent les unes après les autres (consultez l'agenda
de Jazzphone, c'est impressionnant!). Comme le disait Nietsche, "la
vie sans musique serait une erreur"...
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