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Michel Vonlanthen

Rédacteur-photographe
Fondateur de Jazzphone.ch

 

 

(Texte publié dans "One More Time" AGMJ de nov 2020-jan 2021)                        Version pdf

 


AU DEBUT

 

était le rock et dans les années soixante, je jouais mes 3 accords de guitare dans un groupe. C'est avec le rock que j'ai commencé à ruiner ma santé, mais c'est le jazz qui a failli avoir ma peau. En 2008, au Cully Jazz, j'étais monté sur le bar du Next Step en m'aidant d'un tonneau de bière pour être au plus près d'une chanteuse qui s'y produisait. Lorsque j'ai voulu redescendre, quelqu'un l'avait déplacé et je suis tombé. Ce n'est qu'une demi-heure plus tard qu'une immense douleur m'a vrillé la tête et je me suis retrouvé aux Urgences du CHUV, qui m'a trépané le crâne deux semaines plus tard afin de résorber l'hémorragie cérébrale qui me rendait dingue. Des séquelles? Deux trous dans le crâne et la fâcheuse tendance à ne pas me souvenir des noms et des visages. Mauvais pour un photographe! Que ceux qui me voient user de subterfuges pour éviter d'avoir à prononcer leurs noms m'en excusent, qu'ils s'adressent au Cully Jazz pour les réclamations!

 


LA MUSIQUE – LES PHOTOS

Mais revenons-en à la musique, qui a toujours occupé une place de choix dans ma vie, pas seulement le jazz et le rock mais aussi le classique. En fait, je ne pourrais tout simplement pas vivre sans. Bizarrement, je n'ai jamais fait l'effort de l'apprendre vraiment. J'ai tâté de la guitare, de la batterie et du saxophone mais n'ai pas été bien loin. Je suis entré en photo-jazz aux débuts du
Festival de Jazz de Montreux. Je me souviens du concert de Nina Simone, en 1970, dans l'ancien Casino, des petites tables rondes avec 3-4 spectateurs autour. Et le brave Claude Nobs qui s'égosillait sur scène pour demander de ne pas prendre de photos au flash alors que mon voisin de table se levait à tout moment pour en faire. Un vrai floklore, mais c'était bon enfant, la musique était formidable et moi je pouvais faire mes photos sans que l'on ne me demande rien.

 

Trente ans après je faisais mon entrée au comité de Chorus, le club lausannois. J'y créai son premier site web, que j'alimentais avec mes photos. C'était l'époque des premières caméras numériques. Leur qualité était médiocre mais s'est vite améliorée. J'étais auparavant passé par toutes les étapes de l'argentique mais je ne reviendrais pas en arrière. Je dispose maintenant de caméras Sony plein format que je peux rendre totalement silencieuses, un rêve devenu réalité. Quels progrès depuis mes débuts, qui m'ont vu prendre ma première photo, développer le négatif et la tirer par contact dans la salle de bain de mes parents, qui en a gardé des traces dans la baignoire! J'étais parti de rien et avais appris en lisant des livres et en expérimentant. Aujourd'hui, du point de vue technique, c'est l'âge d'or de la photo mais je ne conseillerais à personne de s'y lancer à titre de gagne-pain, sous cet aspect c'est la dèche!

 


METIERS ET PASSIONS

La passion et la curiosité m'ont accompagné durant toute ma vie, ainsi qu'une certaine impatience à passer à la pratique. Plutôt que de suivre de longs parcours académiques, mon tempérament a choisi pour moi la voie autodidacte et une infinité de petits cours ponctuels. Cours officiels avec diplômes à la clef (j'en ai une cargaison) mais spécialisés. Cette technique d'apprentissage reflète mon désir de ne pas perdre de temps avec des connaissances inutiles. Elle m'a été bénéfique et j'ai toujours été reconnaissant au ciel de m'avoir permis de gagner ma vie avec mes passions. La photo est devenue un de ces moyens en dernière partie de ma carrière professionnelle.

A rebours du bon sens, j'ai débuté par des métiers "sérieux", d'abord dans l'électronique nucléaire, après de bonnes études, puis dans le journalisme papier et radio, puis dans les télécommunications et l'informatique, avec une escapade dans l'humanitaire.


On le voit, mes deux grandes passions ont été, et sont toujours, l'électronique et le journalisme, écrit, radio et visuel. Mais c'est l'informatique, suite logique de l'électronique, qui a occupé mes nuits le plus longtemps car j'ai eu la chance extraordinaire de suivre tout son développement dès les années 60, l'époque des calculatrices mécaniques Hewlett-Packard. Notamment sous l'égide du Professeur Nicoud de l'EPFL, l'inventeur du Smaky, qui fut mon maître à penser en microinformatique.

Je fis mes premiers pas en ce domaine comme je l'ai fait pour la photo: en construisant mon premier ordinateur moi-même à partir de rien. J'avais l'exemple de ce qui se faisait à l'EPFL mais je voulais quelque chose de complètement différent afin d'être obligé de faire un développement original qui m'obligerait à étudier cette nouvelle technique dans ses moindres détails. Je l'ai encore cet ordinateur équipé d'un microprocesseur Intel 8080, de 1kB de mémoire vive et d'un programmateur de mémoire morte (EPROM). L'entrée des données se faisait au moyen de switches, en code octal, et la sortie au moyen de LED. Je pus ainsi concocter un petit operating system de mon crû en langage machine qui me permit de raccorder un clavier et un écran afin de programmer plus facilement. La première application fut un système automatique de poursuite de satellites artificiels, que j'exposai à "Computer 80" à Beaulieu Lausanne. Ce début "à la dure" fut tellement bénéfique pour mes connaissances que je fus ensuite capable de dépanner n'importe-quel ordinateur simplement à l'aide de son schéma et d'un oscilloscope pour visualiser les signaux électriques.

Le PC n'était pas encore inventé, c'était l'époque des mini ordinateurs. Chaque constructeur avait ses propres schémas et ses propres logiciels et aucun n'était compatible avec un autre. Je travaillais pour un de ceux-ci et j'étais le roi. J'allais dans les banques et les industries avec mon oscillo, ma serviette de schémas et ma valise d'outils et de composants, et en repartais avec des clients tout sourire car les heures d'immobilisation de leurs systèmes leur coûtaient très cher. Cela me permit petit à petit d'économiser et de me mettre à mon compte avec une exclusivité de vente de coupleurs acoustiques, les premiers modems. J'avais dans mon bureau le noeud du réseau Micronet, la première messagerie électronique privée de Suisse romande développée sur la base d'un Smaky par mes copains du Microclub Lausanne. La production de logiciels suivit: comptabilité générale, facturation, salaires, gestionnaire de ludothèque, etc. ainsi que la remise en état de grosses machines déclarées irréparables. Il fallait alors leur greffer un nouvel ordinateur, refaire les interfaces et une partie du logiciel. Cela fit économiser des millions à quelques-uns de mes clients.

 

 

L’ENSEIGNEMENT

En parallèle de tout cela, j'officiais comme prof d'électronique et d'informatique. J'avais développé une méthode originale d'apprentissage (sur un microordinateur de mon crû), mes cours étaient toujours complets et mes élèves ne les séchaient pas. C'est là que je me suis rendu compte que j'avais un certain don pour la vulgarisation. Ce qui explique que je fus engagé par un journal technique et recruté par une radio pour faire une émission hebdomadaire sur l'informatique. En principe j'aurais dû terminer journaliste RP mais je stoppai abruptement ma formation après un refus de ma rédactrice en chef de publier un de mes articles. Elle m'avait envoyé en reportage dans une grande entreprise vaudoise, qui claironnait partout que son informatisation était un succès total et dont j'avais tiré un article un peu plus objectif
qui ne fut pas du goût de l'annonceur. Cela préfigurait ce qui arrive à la presse aujourd'hui - on veut la museler - ce qui est très grave car c'est le seul contre-pouvoir aux abus des puissants. Il n'y a qu'à voir ce que l'on fait en ce moment au journaliste Julian Assenge (Wikileaks) pour s'en persuader.

 


CHANGER D’ORIENTATION

J'avais une vie passionnante. Quelquefois je partais au bureau le lundi matin et le soir-même j'étais en Finlande ou en Afrique du Nord pour un dépannage urgent. J'étais marié et nous avions une fille et un garçon. Et la catastrophe est arrivée: après avoir aidé ma femme à lutter contre un cancer pendant huit ans, la maladie a pris le dessus et je l'ai perdue! Par chance les enfants étaient grands, mais pendant un an j'ai hésité à continuer de vivre. Et puis l'envie m'en est lentement revenue. J'ai alors décidé de changer totalement d'orientation et d'assouvir ma passion pour la photo, que j'ai alors choisie comme gagne-pain. Et c'est ainsi que j'ai vécu ces deux dernières décennies heureux et libre, à fréquenter tous les endroits et festivals où il y avait du jazz.

C'était une période durant laquelle les photos se vendaient encore à un prix qui pouvait permettre d'en vivre. Mais il fallait être bon et sérieux côté business. Au fil du temps, je me suis rendu compte que, pour moi, l'attrait de la photo n'était pas l'esthétique mais le fait de figer un moment d'éternité. Avec les musiciens, c'est donnant-donnant: ils m'autorisent à les photographier et en contrepartie je leur fais des souvenirs et contribue à leur gloire. Contrairement à moi, cela ne leur coûte rien. J'aurais beaucoup à dire sur la difficulté actuelle de vivre du spectacle, surtout pour les artistes eux-mêmes, car ces sujets de société me passionnent.

 

POUR TERMINER,

 

il faut encore que je vous parle de JAZZPHONE tout-de-même, "jazz" comme jazz et "phone" comme téléphone, la vitrine du jazz romand. La fonction principale de ce site web est de concentrer la liste et les détails de tous les concerts de jazz et de musiques soeurs qui vont se donner en Suisse romande. Ces agendas mensuels restent ensuite en place si bien qu'un musicien n'a qu'à le consulter pour savoir s'il a joué à tel endroit, tel jour et avec qui, ces informations restent sur site ad aeternam. Il y a aussi mes photos de concerts, plus de 100'000, des extrait de disques et des photos d'autres évènements artistiques ou sportifs.

Envoyez-moi vos annonces de concerts, ils seront gratuitement insérés dans l'agenda du jazz romand (en moyenne 800-1000 visiteurs/jour)! Il me faut au minimum la date, le lieu, l'heure, le nom du groupe, des musiciens et leurs instruments.

M'ennuyer durant la pandémie? Vous plaisantez! A défaut de pouvoir fréquenter les salles de concert, je suis revenu à mes premières amours, l'électronique, et j'ai construit un émetteur de télévision numérique capable de transmettre des images à des milliers de kilomètres grâce au relayage d'un satellite artificiel lancé pour l'Eurofoot 2021. Ça paraît incroyable, mais des radioamateurs bien introduits ont persuadé les Quataris de leur laisser utiliser une petite partie de leur satellite afin d'y expérimenter des techniques nouvelles et c'est ce dont je profite. Cela dit, je suis l'homme le plus heureux du monde que les salles de spectacle ré-ouvrent les unes après les autres (consultez l'agenda de Jazzphone, c'est impressionnant!). Comme le disait Nietsche, "la vie sans musique serait une erreur"...